Tu ne sais pas les révolutions immobiles, l'imprimé invisible dans la rétine. Comme le coeur était rond et que quelque part les lignes s'embrassaient sans se perdre.
Le mouvement n'arrachera plus au corps sa propre puissance.

Demain, plus rien ne chutera.
J'ai vu l'air se transformer en cendre. Ma peau devenir sable, pierre et les murs s'ouvrir et se refermer. Dans les moments, le démon au ventre et la faim dans le crâne, comme mes dents se brisaient contre le béton, alors, Guignon, dans un grave revers, je t'ai passionnément aimé et j'ai imploré ta grâce. Front bas et paumes fermés, dans les moments, j'ai su quel est le seul et unique temple. Que le vieil homme dans le tonneau me soit témoin que les replis de mon estomac ont vu :
في فؤادي الـرحيبْ ....معبدٌ للجَمَالْ

شيَّدتْـه الحياة .... بالرّؤى ، والخـيال

فَتَلَوتُ الصَّلاة .... في خشوع الظّلالْ...

وَحَرقْـتُ البخور... وأضـأتُ الشُّـموع

إن سِحْـرَ الحياة .... خـالدٌ لا يــزولْ

فَعَلامَ الشّـَكَاة …. مِنْ ظَــلامٍ يَحـُولْ

ثمَ يأتـي الصبَّاح …. وتمُـرُّ الفصـولْ..؟

سوف يأتـي رَبِيعْ …. إن تقضَّـى رَبِـيعْ
Monstres de verres. Montagnes trop grandes.
Le fil s'est déjà brisé, je sais, mais je ne sens pas. Pourtant rien n'a craqué.
On est entre mecs non? Faut pas chialer et si le ventre est vide, au moins ne le remue pas. Personne n'a rien dit en fait. Interactions minimales. Bonne humeur polie.
On est tous déjà morts, je pense que c'est vrai, le feu brûlait, je ne pouvais pas l'éteindre puis j'ai refermé le couvercle un jour, depuis je ne sais plus.
J'ai vu des jours mourir et j'ai la gueule de travers.

Un rêve étouffé m'a laissé au fond de la bouche un goût de rose fanée. Des visages sans yeux un peu flous murmurent devant mes yeux fermés le souvenir de vies antérieures mortes. Au petit matin, mon corps s'échappe à ma conscience comme le souvenir d'un visage qui s'évanouit devant mes yeux ne laissant derrière lui qu'une vague odeur douce et cruelle.
Dissonance cognitive, devant la danse macabre je m'émerveille d'être un peu plus que rien.
J'ai laissé au pied d'un arbre une ardoise. Le monde essayait de rentrer chez moi à travers les rideaux et j'ai discuté poliment avec lui de la pluie et du beau temps pour qu'il ne s'apercoive pas que je n'avais toujours pas sorti les poubelles.
Il est parti un peu perplexe. Puis, après un moment d'hésitation, il a décidé que le mieux à faire était de mettre à jour l'ardoise au pied de l'arbre et de me laisser tranquille quelque temps, le temps de réfléchir à la meilleure manière de me faire ressentir son agressivité à mon égard et de m'inspirer un minimum de crainte.
Le délai m'offre comme perspective le désir de travailler à une certaine étanchéité, de toute façon là où elle est, l'ardoise ne s'envolera pas, personne ne me la volera : les ardoises ne se partagent pas.
Au fond de moi il existe un chemin qui mène vers l'extérieur.
Monde comme volonté d'un poing qui se referme. La vue se rétrécit jusqu'à rentrer dans l'oeil. Périmètre défini, plus de direction possible, plus qu'un panorama. Position intermédiaire un peu au dessus d'une étendue de cendres, regard distant vers l'intérieur.
Purgatoire. stade intermédiaire où l'on se bouche les oreilles pour voir le monde défiler comme une chute. Passé, présent, futur, indifférenciation indécise comme un moment d'apesanteur non dénuée d'une certaine grâce.
Future collision, les yeux ouverts, promesse de purification.

Flux impérieux. Du coeur aux artères. Le flot déchire et le sang hurle "unité". Le cheval au cavalier : "la trajectoire ne définit que le point de départ".
Salle de conférence sans fenêtre. Tableau à feutre et posters à dauphins sur mer tropicale. Dialogue ouvert et apaisé. De l'estrade légèrement surélevée de cette salle minuscule la Raison Pragmatique parle. Nous avons fait un bilan de compétences, émis des réserves objectives et mis en avant les arguments compétitifs. Nous avons écrits sur les feuilles dans les petits carrés noirs au dessus des lignes en pointillé les phrases les plus concurrentielles. Ces feuilles ont ensuite été mises dans la chemise noire en plastique mou et nous sommes sortis de la salle, nous autres déclassés de la société moderne, comme petits soldats de l'augmentation de la productivité par la rationalisation décomplexée des comportements humains.
Et toutes les chemises noires en plastique mou dansent la joie des lendemains qui chantent de ce paradis à venir.
Assis sur le capot d'une bagnole, fumant un pétard à trois en regardant les drogués passer.
Un ange passe. Éclair de lumière. La sentence est tombée. Je cligne des yeux : un pote en train de pianoter quelque chose sur son portable, un drogué qui gueule sur un autre drogué. On baisse le rideau métallique de l'épicerie d'en face.
Grondement du métal insistant et péremptoire. Je pige. Je me barre. Je file vers le boulevard puis déboule dans le métro. Enjambe le tourniquet, retiens la porte du pied. Je bouscule quelqu'un, descends les escaliers quatre par quatre. Je me retrouve à faire les cent pas sur le quai. La jeune fille en sous-vêtements de l'affiche publicitaire me regarde fixement. Le métro arrive. Grondement de plus en plus fort. J'espère que la monde va s'écrouler.


...


Je me relève. La bouche pleine de sang, l'oeil gonflé. J'ai mal partout. Je souris. Deux heures du matin, rue vide de châtelet, pleine lune loin là-haut. Je hurle. Un moment. Un chien me répond et un mec me dit de fermer ma gueule sinon il appelle les flics. Je l'insulte, pas de réponse, me lasse. Je marche. Des rues. Personne. La seine. Sous un pont un clochard me regarde. Partager ensemble le même vin et regarder les péniches passer. Un jour il a été roi, son royaume a fait naufrage dans la seine et depuis il reste là à maudire ce fleuve qui lui a volé sa gloire.
Ca l'intéresse pas mes histoires d'anges, il veut juste qu'on le laisse pleurer et maudire.


...


Le monde est étroit. Je marche. Un bar. Cinq heures du matin. Je prends un verre de vodka. Une gorgée. Trois. Quatre. Vacarme. sombre. Des ombres dansent. Sourires sur ombres. Un autre verre. Deux gorgées. Flou. Un mec me regarde. Je m'approche de lui et envoie mon poing dans le vide. Touché. Mouvements de foule. On m'attaque. Mes poings nagent dans le vide, rencontrent des têtes, des bras, des épaules. Fracas. Cris. Son sourd lorsque quelque chose s'abat sur ma tête. Vide. Le monde s'arrête. Un moment. puis mon corps s'écroule.
Distributeur de sodas. L'autre m'a dit, je ne sais pas si je peux le croire. Ma carte bleue, elle, ne me dit rien et le distributeur de billets m'invente de nouveaux abonnements et de nouvelles dettes. Je ne sais plus exactement, mais l'autre murmure et je ne sais pas si je peux le croire.
Je mets une pièce dans la fente et tout dégringole. J'aimerais une sentence mais je n'entends que la chute d'une cannette. Pas d'alarme. Tout est si facile.
Le distributeur reste sourd. L'autre murmure encore. Je ne sais qui frapper, quoi casser.
J'écoutais la musique. Je voulais juste que les cannettes dégringolent tout le temps et que ceux qui murmurent hurlent.
Je ne voyais plus les rails, je mettais juste la pièce dans la fente et le distributeur de sodas n'avait rien à me répondre.
Je me rappelle avoir pris le manche par la queue. J'ai descendu mes nerfs et sans contemplation, j'ai pris la vie à rebours. Sur la route, j'ai crevé le pneu de la roue de secours et j'ai pleuré contre l'indifférence parce que je roulais toujours droit.
Fulgurance en tête. Des rêves trainent en fond des envies de continuité. Murmures de retour. De fantasmes de racines, un grondement monte en relents nauséabonds. La volonté brisée bat comme un tambour prêt à enfin mettre des visages et tracer des routes sur des problèmes qui n'existent pas.
Je suis entré dans la grotte, je ne sais pas pourquoi. Je suis parti m'enfoncer au coeur des ténèbres, sottement et naïvement je m'imaginais qu'il suffisait de frotter légèrement ses mains contre la pierre pour faire jaillir quelques pierres de lumière. Des yeux me regardaient et je souriais pour essayer de les faire remuer. J'ai tapé des pieds pour essayer de faire bouger le sol et je n'ai réussi qu'à me donner un mal de tête. J'écoute le silence hurler, je parle aux muets et je pleure devant les aveugles. J'ai rêvé d'infini et les parois de la caverne m'ont renvoyé l'écho de mes pets. A la gueule de ma faim j'ai balancé ma salive frustrée et une vague d'aigreur s'est mise à tourner autour de moi en balayant un peu la boue.
Enfer de poussière et de dentelle brodée. Ma langue bouge seule dans des mouvements aléatoires et saccadés et mes mots partent s'écraser sur le sol en un fracas sourd. J'ai regardé et j'ai voulu que ma salive fasse un trou dans le sol.
Quelque part par là un regard s'est perdu, un cri s'est enfui et à la face de l'immensité des trottoirs un fantôme a hurlé l'absurdité sans bruit.
J'essaye de regarder le bouc dans les yeux. J'essaye de retenir le rire qui grossit dans mon ventre à le faire exploser. Je ne veux pas comprendre, je ne veux pas le dire, je veux juste casser une vitre. Le bouc me regardait, ses cornes ridiculeusement pointées vers le ciel. Je rêvais à des constellations et le bouc n'arrivait pas à se décider à taper du pied.
J'aspire l'air jusqu'à ce que mon ventre tremble de toutes les eaux pourries du monde. J'essaye de ne pas vomir sur le bouc.
Horizons ouverts. Des espérances offrent au regard le spectacle de cuisses rondes et lisses.
Rouge vif éclatant. Sucré avec beaucoup de bulles. Mon dégoût n'a pas de limites.
Tu croques et ça fond dans la bouche. Ça crépite sur la langue et laisse une sensation douce dans la bouche. Le fond de mon oeil est vide.
Promesse tentante. L'essayer c'est l'adopter. Une porte ouverte vers de nouvelles sensations. Ma volonté est creuse et pourrie à l'intérieur.
D'accord pour le paradis. Oui à la béatitude rose néon. Elle flotte sur ma peau, m'engourdit les membres mais l'intérieur reste vide.
Noir calme où ce qui doit s'éteindre s'éteindra sans échos, ce qui est la moindre des choses.

Sonnet en faux alexandrins

De vie entière plié sous les coups dans l'engeance,
Attendant, vautré et le ventre vide le terme,
Gorge béante, je quémande, honteux, une maigre pitance,
En tremblant, loqueteux, vers une main qui se referme

Et j'attends que surgisse du nacre d'une nuit rêvée
La folie, dans le nu de son immense splendeur.
Elle seule me rendra l'éclat de mes rêves crevés
Et cachera à ma conscience ces sordides odeurs.

L'aube va bientôt révéler crûment la poussière,
et je vois, vaincu, se creuser pour moi l'ornière,
Creusée par la morsure des besoins premiers.

Alors je range cette belle démence,
Et, en humant du monde ses relents âcres et rances,
J'offre mon âme à la torture sans crier.
Pas d'aigreurs. J'ai là un paradis de minitels. Des jets de pixels puissants comme simples vont briser une glace grise de désespoir. L'enivrement s'est enfui, a emporté avec lui l'innocence. Mais un tableau en mer criard et sublimé m'offre saturation. J'accepte l'âme pleine à en déborder. Les solutions se sont échouées sur un pente descendante. L'équation était là, petit cube solide. En le regardant de très, très près je peux voir les noeuds devenir des cordes imbriquées, puis une seule corde. Je peux me laisser étouffer. On n'en meurt pas. Juste, le sang au cerveau. Extase.
Mes enfers soufflent une brise chaude et calme. J'impose à mes yeux le choix des couleurs. Le fond de ma rétine est rouge vif, de là une ligne plonge et éclate en fuseaux. Rouge de mon coeur. Le paysage s'effondre. En bouilli, enfin, les couleurs bavent. Tout ne coule qu'à partir d'un abcès. Ce qui coule retournera aux rivières. Les larmes aussi. Le fleuve est à mes pieds en moi. J'apprends l'amour des fluides et du torrent. Mais la nuit je rêve de bouées.
Épanchement de l'éclat du pulpe vermeil du fruit offert coule. Glisse, enfin facile, grâce retrouvée par l'anéantissement de la volonté. Gouffre ouvert, les dents saillantes, le souffle s'étend en perles légères, couloir accueillant.
Dans la marche forcée, le pied cherche une adhérence.